Pourquoi ma mère n’a-t-elle pas été inhumée près de mon père, dans le jardin à Beaumont ? Cela nous aurait évité toutes ces complications. Mais elle s’y est opposée, plus d’une fois, de façon explicite. Soyons clairs, ce n’est pas au côté de mon père qu’elle ne voulait pas être, mais là-bas où elle ne s’était jamais sentie chez elle malgré les promesses qu’il lui avait faites dans les premiers temps de leur mariage.
Cette maison étroite, toute en longueur comme le jardin qui lui fait suite, a été construite par mon arrière-grand-père il y a près de cent cinquante ans. Elle fut faite avec les moyens et le confort de l’époque, ce qui signifie sans eau courante ni sanitaires ; chaque génération y ayant apporté sa touche par la suite. À sa mort, elle resta en indivision entre ses trois enfants, la petite dernière en ayant l’usufruit. Louis mourut sans postérité ; puis ce fut le tour d’Hippolyte en 1944, qui laissa sa part à son fils unique, mon père. Georgette jouissait donc de la maison, dont une pièce restait à disposition de mon père et de ma grand-mère.
Mon père avait laissé entendre à ma mère qu’elle serait chez elle dans cette maison et pourrait l’arranger à sa convenance. Or, la première fois qu’il l’y emmena ce fut pour s’apercevoir que Georgette l’avait louée et ils se retrouvèrent coincés dans leur pièce chez des étrangers. Mon père demanda réparation à sa tante, mais la justice trancha que l’usufruit lui permettait de louer le bien et d’en garder les sommes reçues en échange. Le litige fut soldé par le rachat de ses parts de la maison et de son usufruit. Ce qui ne changea fondamentalement rien pour ma mère, puisque ma grand-mère se considérait là-bas comme chez elle et y régnait en parfait despote même vis-à-vis des voisins, à qui elle imposait des travaux de peinture à sa convenance.
Ma grand-mère étant devenue aveugle ne quitta plus Caen où elle habitait. La maison devint alors un lieu de vacances d’été, jusqu’à ce que nous venions nous installer à Toulouse. Là, Beaumont devint la maison de campagne et villégiature estivale de mes parents. Ma mère avait dans l’idée d’édifier une rocaille au fond du jardin, dans laquelle elle aurait fait pousser diverses plantes grasses, mais celle-ci ne vit jamais le jour. La vérité est que mon père était ici chez lui et n’entendait en faire qu’à son idée, raison pour laquelle notamment jamais poste de télévision ne franchit le seuil de son vivant.
À la mort de mon père, conscient de l’ampleur des travaux qu’il y avait à faire dans cette maison pour y amener le confort moderne, j’ai racheté la part de mon frère et celle de ma mère en spécifiant bien qu’ils seraient toujours les bienvenus. La transformation fut un chantier colossal, presque entièrement mené par le père de Yaël et moi. Lorsqu’il fut achevé, je pressais ma mère d’aller s’y installer l’été pour être plus au frais et avoir des voisins plus causants, cependant elle n’y alla que peu souvent et uniquement en notre compagnie car, une fois de plus, elle ne s’y sentait pas chez elle.
Si elle ne voulait pas être enterrée à Beaumont, elle aurait en revanche souhaité que les cendres de son mari soient rapatriées auprès d’elle. Mais vingt-deux ans après, je ne sais pas trop ce qu’il reste de l’urne en grès déposée en pleine terre. Pour être tout à fait honnête, je dois dire que sa volonté de récupérer l’urne paternelle date d’une douzaine d’années après son décès. Elle voulait la garder chez elle jusqu’au moment de les réunir tous les deux. Je m’y suis opposé fermement, en lui remontrant qu’il pourrait arriver que cette urne tombe et se brise, auquel cas les cendres qu’elle contenait auraient fini dans le sac de l’aspirateur. J’avais le sentiment d’un désir morbide à vouloir garder chez soi les cendres d’un mort. Une autre raison de mon refus était que j’avais construit un muret de briques au-dessus du point d’enfouissement.
Dans nos conversations sur ce sujet, j’avais aussi demandé à ma mère si elle ne voulait pas rejoindre la sienne et sa sœur, sinon dans le caveau familial, du moins au cimetière de St-Angel. Le refus était le même ; elle ne se sentait pas chez elle là-bas, bien qu’elle y fût née et même si elle avait continué à y aller tant qu’il lui avait été possible de voyager, prenant un petit avion qui assurait la liaison Toulouse-Genève via Clermont où sa nièce venait la chercher à l’aéroport d’Aulnat. Il me semble évident, en écrivant ces lignes, qu’au fond elle ne s’est jamais vraiment sentie chez elle nulle part, sinon peut-être dans ce grand appartement après le départ de mon père. Il y a sans doute un énorme paradoxe entre le souci d’indépendance qui était le sien et son sentiment profond d’avoir toujours été rejetée ou tenue pour quantité négligeable.
Elle tenait une revanche post-mortem, dans la mesure où n’ayant pu obtenir de place où elle le souhaitait, l’inhumation était rendue impossible là où on avait voulu la forcer à aller. La situation était exceptionnelle et nous avions parfaitement compris que sa résolution ne serait pas aussi simple qu’elle y paraissait. Le fait qu’il n’existe pas de norme pour l’édification des cases de columbarium n’empêchait pas qu’il y ait, en revanche, tout un parcours administratif bien réglementé pour l’attribution desdites cases. Il n’avait déjà pas été simple de trouver celle qui ne convenait pas…
En définitive, je pense que ma mère n’a jamais été aussi indépendante, heureuse et insouciante qu’au moment de l’immédiat après-guerre, lorsqu’elle a été nommée à la Poste à Clermont-Ferrand et s’est installée dans un meublé au 47 rue du Port, à deux pas de la Place de Jaude. Elle noua connaissance et amitié avec une joyeuse bande de jeunes qui vivait à la même adresse, parmi lesquels Renée M., avec qui elle resta amie jusqu’à la fin, et Albert D., dit « le belou » parce qu’il portait un bouc et sans doute aussi parce qu’il se comportait comme tel. C’était en tout cas un sérieux boute-en-train et par conséquent le meneur du petit groupe.
De son passage à Clermont, elle avait gardé une expression bien à elle pour marquer son impatience, elle disait alors : « Je ne vais pas attendre aussi longtemps que Desaix sur la Place de Jaude ! », allusion à la statue du général d’Empire qui fait face à celle de Vercingétorix à l’autre bout de la place principale
Les hasards de la vie font qu’une vingtaine d’années plus tard, les parents d’Yves vinrent s’installer à Clermont, venant du Maroc, et prirent l’habitude de faire leur marché rue du Port. Yves et Monique sont nés là-bas, ce qui les ferait plus Auvergnats que moi si seul devait compter le lieu de naissance.
À l’heure où j’écris ces lignes, la rue du Port est devenue sinistre et morte ; les boutiques ont fermé, les devantures sont murées, les façades sont noires et seule subsiste une enseigne indiquant un immeuble de « meublés ». Il y a longtemps, ma mère est passée par là ; la vie aussi.
Cette indépendance nouvelle dura à peu près cinq ans, jusqu’à ce qu’elle monte à la capitale et épouse, le 28 avril 1951 à la mairie du XIXe arrondissement, un certain Jean D. natif de La Sauvetat d’où était issue la « vieille tata ».
Je ne sais que très peu de chose de cet homme. Ses parents avaient divorcé et il avait été élevé entre deux femmes – sa mère et la sœur de celle-ci – qui lui passaient tous ses caprices. Elles en avaient fait une sorte de bourreau misogyne, qui ne s’intéressait guère qu’à sa petite personne. Il se gavait quotidiennement de bananes, à tel point qu’il dégoûta ma mère de ce fruit dont la seule évocation lui soulevait le cœur. Il avait aussi pour fâcheuse habitude d’inviter des copains à dîner à la dernière minute, mettant sa femme devant le fait accompli. C’est ce qui fut à l’origine d’une rupture définitive qu’il n’avait pas vu venir. Un soir qu’il rentra avec quelques amis, ma mère avait dressé la table avec assiettes et gobelets de carton pour s’éviter la vaisselle. Ce ne fut pas du goût de Monsieur, qui lui fit une scène lorsqu’ils furent seuls. Elle lui répliqua que si sa manière de tenir la maison ne lui convenait pas, il pouvait toujours prendre la porte ; ce qu’il fit sans omettre de la claquer théâtralement. Pour revenir frapper deux heures plus tard. « Tu as oublié quelque chose ? », demanda-t-elle froidement sans ouvrir. « Mon rasoir », bafouilla-t-il. Elle lui dit de ne pas bouger et alla rassembler son nécessaire à barbe sur le lavabo. Elle revint à la porte, qu’elle entre-bailla, lui remit le tout et déclara : « Maintenant, tu as tout ce qu’il te faut », puis elle claqua la porte pour solde de tout compte. Le divorce fut prononcé le 3 mars 1953 et ces deux-là ne se recroisèrent jamais. Il mourut cinquante ans plus tard, sans s’être remarié.
Je pense que ma mère n’est montée à Paris – où elle fut mal accueillie par un flic qui lui donna cinquante francs d’amende pour avoir traversé « hors des clous » – que pour épouser cet homme, qu’elle avait probablement rencontré à La Sauvetat où il devait passer ses vacances. À Paris, il vivait chez sa tante. Sans ce mariage, je ne crois pas qu’elle eût quitté Clermont et je ne serais pas là, en train de tenter de reconstituer un puzzle impossible, dans lequel tant de pièces sont manquantes.
Les mutations étant plus aisées dans le sens province-Paris que l’inverse, ma mère se retrouva bloquée dans la capitale. Elle travaillait au Centre de chèques postaux de la rue de Bourseul, dans le XVe arrondissement, et habitait au 2 boulevard Rochechouart, dans le XVIIIe. Pour l’heure, elle occupait un poste à la cantine, mais elle terminerait sa carrière comme contrôleur de division au sein d’un Groupe de virements ; un grade et une paye supérieurs à ceux de mon père, preuve sans doute de sa volonté et sa ténacité à sortir de la condition défavorable de ses premières années.
Mais n’anticipons pas !
Avant son second mariage, ce furent cinq nouvelles années de célibat dont je ne sais strictement rien. Elle était d’une génération qui n’éprouvait pas le besoin de raconter sa vie amoureuse ou de s’épancher sur sa vie sexuelle auprès de sa progéniture. Je sais seulement qu’elle eut son lot de déceptions et de chagrins d’amour. Elle ne s’est jamais étendue sur la chose, mais lorsqu’elle y faisait allusion, de façon fugitive, son regard se perdait vers l’intérieur, entre nostalgie et résurgence d’une vieille douleur.
Elle n’était pas secrète, mais discrète. On pouvait se confier à elle avec la certitude absolue qu’elle ne répéterait jamais ce qu’elle avait reçu en confidence. Elle ne supportait pas les gens trop bavards, dont elle disait : « Ceux-là, ils auraient de la merde à leur chemise, il faudrait qu’ils le disent ! »
Le 3 mai 1956, ma grand-mère maternelle mourut, à l’âge de soixante-dix ans. Elle s’appelait Marie, prénom le plus courant à l’époque, mais je m’avise que le fait qu’elle soit née un 15 août n’était probablement pas étranger à ce choix. Je ne sais rien d’elle, ni de son physique, ni de son caractère. Ma mère n’en a jamais beaucoup parlé, à peine quelques allusions du bout des lèvres, comme pour éviter de trop en dire, de laisser échapper une certaine rancœur de l’avoir abandonnée. Rancœur qui était peut-être inconsciente ou refoulée. Elle serait sans doute une partie de l’explication de la scène qui se déroula chez le notaire chargé de la succession.
Il me semble que les dernières années de ma grand-mère furent rendues difficiles par la maladie et qu’elle fut un poids pour la maisonnée. Elle vivait avec ma tante, mon oncle et leurs trois enfants. Par eux, je n’ai entendu qu’un seul son de cloche lorsqu’ils en parlaient. Ils disaient invariablement « la pauvre mémé », or « pauvre » signifiait seulement qu’elle était morte. Je suis certain que si Ginette m’appelait aujourd’hui, parlant de sa tante – que jusqu’à présent elle nommait « Tatie » – elle me dirait « ta pauvre mère » de la même façon.
De mes grands-parents maternels, je ne puis me faire la moindre idée, avoir le début d’une représentation quelconque. Ma mère elle-même n’en savait que peu de choses et ce qu’elle en retenait ne pouvait que l’attrister.
Nous nous berçons d’illusion en pensant que la mémoire est sélective, alors qu’elle n’est au bout du compte qu’une passoire. On voudrait se souvenir de tout, se rappeler du moindre fait, fut-il anodin, cependant il nous faut admettre que nous n’avons pas toujours été attentifs quand il le fallait, alors tout s’estompe à un moment ou un autre. Les images s’enfuient, les sons – surtout les voix – disparaissent. Au bout de ce chemin-là, nous nous retrouvons orphelins deux fois, dix fois, cent fois, mille fois… Chaque nouvelle défaite de la mémoire est un clou supplémentaire de notre crucifixion.
Après la mort de leur mère, Marthe prit contact avec le notaire de la famille et lui demanda de dresser l’acte nécessaire pour que la totalité des terres revienne à Germaine. C’est ainsi qu’elle m’a raconté la chose. J’en déduis qu’il s’agissait d’une renonciation à l’héritage, sinon ma mère n’aurait pas eu les moyens de s’acquitter des frais et taxes afférents à une telle donation. La démarche devait paraître inhabituelle – disproportionnée ? – au notaire car lorsque les deux femmes se présentèrent à l’étude pour la signature, il insista à plusieurs reprises pour vérifier que c’était bien la volonté de la plus jeune que de tout céder à l’aînée, qu’elle le faisait volontairement et en toute connaissance de cause.
Bien sûr, ma mère avait toujours été une citadine depuis le jour où elle avait été recueillie par son oncle, elle ne connaissait rien à la terre et ne s’imaginait pas à la tête de quelques hectares dont elle n’aurait su que faire depuis Paris. Mais elle aurait pu vendre tout cela, à sa sœur ou à quiconque, ou bien le donner en fermage. Le fait de s’en séparer rapidement et sans compensation ne marque-t-il pas sa volonté et sa détermination à vouloir tirer un trait sur ce passé ? Peut-être estimait-elle aussi que sa sœur avait eu leur mère à charge tout au long de sa vie d’adulte et qu’il fallait compenser cela ?
Une chose est certaine, en revanche, c’est qu’elle a toujours mis un point d’honneur – d’orgueil ? – à ne rien devoir à personne. Elle aimait répéter cette maxime : « Qui paye ses dettes s’enrichit ». De ceci, il découle que lorsque ma tante nous gardait, mon frère et moi, pour les vacances de Noël, Pâques ou d’été, ma mère lui a toujours donné de l’argent pour payer notre pension. J’en suis le témoin. Je revois Germaine mettant les billets dans la poche de son tablier et repoussant la main de sa sœur en disant : « Non, il ne faut pas, ce n’est pas la peine ». Je ne juge pas ; je raconte.
Ô comme j’aimerais croire en un dieu rendant possible un au-delà quelconque qui nous permette de revoir ceux que nous aimons et que nous avons perdus, qu’ils y poursuivent une existence plus heureuse et éternelle…
Mais je ne crois à rien de tout cela, hélas ! Ma mère ne m’a jamais raconté ce genre d’histoires. Quand je m’allongeais, enfant, auprès d’elle dans son lit avant de rejoindre le mien pour la nuit, c’est la Comtesse de Ségur qu’elle me lisait, aussi m’est-il plus facile de croire à l’existence du Cadichon des Mémoires d’un âne.
Il m’arrive sérieusement de penser que l’athéisme est une forme d’infirmité. Celui qui ne croit pas en Dieu avance bien souvent dans la vie en boitant sans béquille. Mais on ne force pas sa nature profonde. On peut lire la Bible, les vies de saints et tous textes parlant de religion, en apprécier les histoires dans ce qu’elles ont d’avéré et dans ce qui relève du mythe ou du dogme, sans pour autant être touché par la foi. C’est ce qu’il s’est passé, ce qui se passe encore pour moi.
J’aime la beauté des églises, des abbayes cisterciennes et de leurs cloîtres dans leur dénuement ; j’en connais la qualité du silence jusqu’au cœur des centres urbains cacophoniques. Silence propice au recueillement et à la prière, certes. Et en même temps silence de Dieu en retour. Au fond, il se pourrait que toute la puissance de Dieu réside dans son inexistence ; à cela je suis prêt à croire et à admettre que cela le rendrait plus grand encore que ne l’estiment ses fidèles.
La foi est un pansement qui rend la vie et la mort moins douloureuses. Autant dire que c’est un cautère sur une jambe de bois. La vie et la mort – celle des autres avant tout, avant nous – sont des expériences douloureuses et c’est ce qui leur donne un sens. Sinon quoi ? La monotonie des jours sans fin, l’éternité de l’ennui, l’inutilité de l’action, ce que d’aucuns nommeraient un paradis et serait pour moi un enfer total.
Voilà, maman me manquait – me manque et me manquera – terriblement ; aussi lorsque je pensais elle doit bien rire, là-haut, de cette situation grotesque et scandaleuse, je ne pouvais pas y croire sérieusement et cela décuplait mon chagrin.
Non, elle ne rit plus, ne commente plus de ses sentences souvent drôles nos erreurs de jugements. Elle ne dira plus, moquant tel ou tel : « C’est bien la peine d’avoir fait autant d’études pour être aussi bête ! » Elle ne me fera plus reproche de vouloir l’abandonner dans un hospice – même si on ne les appelle plus ainsi désormais – pas plus qu’elle ne me dira qu’en définitive c’est dans un cimetière que j’ai fini par la laisser.
Alors oui, je peux dire des phrases toutes faites sur un au-delà convenu, faire semblant de croire que cela me rassure et m’aide un peu à supporter la perte, l’absence, le vide, mais ce ne sont que des mots creux auxquels je ne crois pas. La vie relève du funambulisme : quand ton pied rate le fil, c’est le vide qui te prend sans possibilité de te laisser y remonter.
Je m’avise soudain que cette pensée magique que nos parents assistent bienveillants, d’un ciel idyllique, au reste de nos jours après eux n’est sans doute rien d’autre qu’une peur confuse de devoir cesser d’être un enfant – quel que soit notre âge – pour devenir enfin des hommes à part entière et prendre toutes nos responsabilités. Nous inventons l’assentiment qu’ils ne peuvent plus nous donner et dont nous croyons encore avoir besoin.
L’interprétation des signes a posteriori étant chose aisée, lorsque les pompes funèbres me rappelèrent au bout de deux jours pour me dire qu’une case double avait été trouvée à Cornebarrieu, j’y vis celui que ma mère avait obtenu gain de cause et devait s’en féliciter. C’est la raison pour laquelle je refusais de contacter directement la Mairie de Toulouse – comme on m’en pressait, au motif que les services n’étaient pas très coopératifs et qu’ils se montreraient peut-être plus conciliants avec la famille – afin d’obtenir une place plus proche. Il n’est pas impossible que cette tentative saugrenue de me déléguer la démarche ait eu pour véritable raison de trouver un lieu moins onéreux, si comme à Paris le prix des concessions varie suivant les quartiers. Quoi qu’il en soit, je pense que ces obsèques-là ont dû coûter plus que prévu, si tant est qu’ils n’ont été à perte pour l’entreprise.
Cette maison étroite, toute en longueur comme le jardin qui lui fait suite, a été construite par mon arrière-grand-père il y a près de cent cinquante ans. Elle fut faite avec les moyens et le confort de l’époque, ce qui signifie sans eau courante ni sanitaires ; chaque génération y ayant apporté sa touche par la suite. À sa mort, elle resta en indivision entre ses trois enfants, la petite dernière en ayant l’usufruit. Louis mourut sans postérité ; puis ce fut le tour d’Hippolyte en 1944, qui laissa sa part à son fils unique, mon père. Georgette jouissait donc de la maison, dont une pièce restait à disposition de mon père et de ma grand-mère.
Mon père avait laissé entendre à ma mère qu’elle serait chez elle dans cette maison et pourrait l’arranger à sa convenance. Or, la première fois qu’il l’y emmena ce fut pour s’apercevoir que Georgette l’avait louée et ils se retrouvèrent coincés dans leur pièce chez des étrangers. Mon père demanda réparation à sa tante, mais la justice trancha que l’usufruit lui permettait de louer le bien et d’en garder les sommes reçues en échange. Le litige fut soldé par le rachat de ses parts de la maison et de son usufruit. Ce qui ne changea fondamentalement rien pour ma mère, puisque ma grand-mère se considérait là-bas comme chez elle et y régnait en parfait despote même vis-à-vis des voisins, à qui elle imposait des travaux de peinture à sa convenance.
Ma grand-mère étant devenue aveugle ne quitta plus Caen où elle habitait. La maison devint alors un lieu de vacances d’été, jusqu’à ce que nous venions nous installer à Toulouse. Là, Beaumont devint la maison de campagne et villégiature estivale de mes parents. Ma mère avait dans l’idée d’édifier une rocaille au fond du jardin, dans laquelle elle aurait fait pousser diverses plantes grasses, mais celle-ci ne vit jamais le jour. La vérité est que mon père était ici chez lui et n’entendait en faire qu’à son idée, raison pour laquelle notamment jamais poste de télévision ne franchit le seuil de son vivant.
À la mort de mon père, conscient de l’ampleur des travaux qu’il y avait à faire dans cette maison pour y amener le confort moderne, j’ai racheté la part de mon frère et celle de ma mère en spécifiant bien qu’ils seraient toujours les bienvenus. La transformation fut un chantier colossal, presque entièrement mené par le père de Yaël et moi. Lorsqu’il fut achevé, je pressais ma mère d’aller s’y installer l’été pour être plus au frais et avoir des voisins plus causants, cependant elle n’y alla que peu souvent et uniquement en notre compagnie car, une fois de plus, elle ne s’y sentait pas chez elle.
Si elle ne voulait pas être enterrée à Beaumont, elle aurait en revanche souhaité que les cendres de son mari soient rapatriées auprès d’elle. Mais vingt-deux ans après, je ne sais pas trop ce qu’il reste de l’urne en grès déposée en pleine terre. Pour être tout à fait honnête, je dois dire que sa volonté de récupérer l’urne paternelle date d’une douzaine d’années après son décès. Elle voulait la garder chez elle jusqu’au moment de les réunir tous les deux. Je m’y suis opposé fermement, en lui remontrant qu’il pourrait arriver que cette urne tombe et se brise, auquel cas les cendres qu’elle contenait auraient fini dans le sac de l’aspirateur. J’avais le sentiment d’un désir morbide à vouloir garder chez soi les cendres d’un mort. Une autre raison de mon refus était que j’avais construit un muret de briques au-dessus du point d’enfouissement.
Dans nos conversations sur ce sujet, j’avais aussi demandé à ma mère si elle ne voulait pas rejoindre la sienne et sa sœur, sinon dans le caveau familial, du moins au cimetière de St-Angel. Le refus était le même ; elle ne se sentait pas chez elle là-bas, bien qu’elle y fût née et même si elle avait continué à y aller tant qu’il lui avait été possible de voyager, prenant un petit avion qui assurait la liaison Toulouse-Genève via Clermont où sa nièce venait la chercher à l’aéroport d’Aulnat. Il me semble évident, en écrivant ces lignes, qu’au fond elle ne s’est jamais vraiment sentie chez elle nulle part, sinon peut-être dans ce grand appartement après le départ de mon père. Il y a sans doute un énorme paradoxe entre le souci d’indépendance qui était le sien et son sentiment profond d’avoir toujours été rejetée ou tenue pour quantité négligeable.
Elle tenait une revanche post-mortem, dans la mesure où n’ayant pu obtenir de place où elle le souhaitait, l’inhumation était rendue impossible là où on avait voulu la forcer à aller. La situation était exceptionnelle et nous avions parfaitement compris que sa résolution ne serait pas aussi simple qu’elle y paraissait. Le fait qu’il n’existe pas de norme pour l’édification des cases de columbarium n’empêchait pas qu’il y ait, en revanche, tout un parcours administratif bien réglementé pour l’attribution desdites cases. Il n’avait déjà pas été simple de trouver celle qui ne convenait pas…
En définitive, je pense que ma mère n’a jamais été aussi indépendante, heureuse et insouciante qu’au moment de l’immédiat après-guerre, lorsqu’elle a été nommée à la Poste à Clermont-Ferrand et s’est installée dans un meublé au 47 rue du Port, à deux pas de la Place de Jaude. Elle noua connaissance et amitié avec une joyeuse bande de jeunes qui vivait à la même adresse, parmi lesquels Renée M., avec qui elle resta amie jusqu’à la fin, et Albert D., dit « le belou » parce qu’il portait un bouc et sans doute aussi parce qu’il se comportait comme tel. C’était en tout cas un sérieux boute-en-train et par conséquent le meneur du petit groupe.
De son passage à Clermont, elle avait gardé une expression bien à elle pour marquer son impatience, elle disait alors : « Je ne vais pas attendre aussi longtemps que Desaix sur la Place de Jaude ! », allusion à la statue du général d’Empire qui fait face à celle de Vercingétorix à l’autre bout de la place principale
Les hasards de la vie font qu’une vingtaine d’années plus tard, les parents d’Yves vinrent s’installer à Clermont, venant du Maroc, et prirent l’habitude de faire leur marché rue du Port. Yves et Monique sont nés là-bas, ce qui les ferait plus Auvergnats que moi si seul devait compter le lieu de naissance.
À l’heure où j’écris ces lignes, la rue du Port est devenue sinistre et morte ; les boutiques ont fermé, les devantures sont murées, les façades sont noires et seule subsiste une enseigne indiquant un immeuble de « meublés ». Il y a longtemps, ma mère est passée par là ; la vie aussi.
Cette indépendance nouvelle dura à peu près cinq ans, jusqu’à ce qu’elle monte à la capitale et épouse, le 28 avril 1951 à la mairie du XIXe arrondissement, un certain Jean D. natif de La Sauvetat d’où était issue la « vieille tata ».
Je ne sais que très peu de chose de cet homme. Ses parents avaient divorcé et il avait été élevé entre deux femmes – sa mère et la sœur de celle-ci – qui lui passaient tous ses caprices. Elles en avaient fait une sorte de bourreau misogyne, qui ne s’intéressait guère qu’à sa petite personne. Il se gavait quotidiennement de bananes, à tel point qu’il dégoûta ma mère de ce fruit dont la seule évocation lui soulevait le cœur. Il avait aussi pour fâcheuse habitude d’inviter des copains à dîner à la dernière minute, mettant sa femme devant le fait accompli. C’est ce qui fut à l’origine d’une rupture définitive qu’il n’avait pas vu venir. Un soir qu’il rentra avec quelques amis, ma mère avait dressé la table avec assiettes et gobelets de carton pour s’éviter la vaisselle. Ce ne fut pas du goût de Monsieur, qui lui fit une scène lorsqu’ils furent seuls. Elle lui répliqua que si sa manière de tenir la maison ne lui convenait pas, il pouvait toujours prendre la porte ; ce qu’il fit sans omettre de la claquer théâtralement. Pour revenir frapper deux heures plus tard. « Tu as oublié quelque chose ? », demanda-t-elle froidement sans ouvrir. « Mon rasoir », bafouilla-t-il. Elle lui dit de ne pas bouger et alla rassembler son nécessaire à barbe sur le lavabo. Elle revint à la porte, qu’elle entre-bailla, lui remit le tout et déclara : « Maintenant, tu as tout ce qu’il te faut », puis elle claqua la porte pour solde de tout compte. Le divorce fut prononcé le 3 mars 1953 et ces deux-là ne se recroisèrent jamais. Il mourut cinquante ans plus tard, sans s’être remarié.
Je pense que ma mère n’est montée à Paris – où elle fut mal accueillie par un flic qui lui donna cinquante francs d’amende pour avoir traversé « hors des clous » – que pour épouser cet homme, qu’elle avait probablement rencontré à La Sauvetat où il devait passer ses vacances. À Paris, il vivait chez sa tante. Sans ce mariage, je ne crois pas qu’elle eût quitté Clermont et je ne serais pas là, en train de tenter de reconstituer un puzzle impossible, dans lequel tant de pièces sont manquantes.
Les mutations étant plus aisées dans le sens province-Paris que l’inverse, ma mère se retrouva bloquée dans la capitale. Elle travaillait au Centre de chèques postaux de la rue de Bourseul, dans le XVe arrondissement, et habitait au 2 boulevard Rochechouart, dans le XVIIIe. Pour l’heure, elle occupait un poste à la cantine, mais elle terminerait sa carrière comme contrôleur de division au sein d’un Groupe de virements ; un grade et une paye supérieurs à ceux de mon père, preuve sans doute de sa volonté et sa ténacité à sortir de la condition défavorable de ses premières années.
Mais n’anticipons pas !
Avant son second mariage, ce furent cinq nouvelles années de célibat dont je ne sais strictement rien. Elle était d’une génération qui n’éprouvait pas le besoin de raconter sa vie amoureuse ou de s’épancher sur sa vie sexuelle auprès de sa progéniture. Je sais seulement qu’elle eut son lot de déceptions et de chagrins d’amour. Elle ne s’est jamais étendue sur la chose, mais lorsqu’elle y faisait allusion, de façon fugitive, son regard se perdait vers l’intérieur, entre nostalgie et résurgence d’une vieille douleur.
Elle n’était pas secrète, mais discrète. On pouvait se confier à elle avec la certitude absolue qu’elle ne répéterait jamais ce qu’elle avait reçu en confidence. Elle ne supportait pas les gens trop bavards, dont elle disait : « Ceux-là, ils auraient de la merde à leur chemise, il faudrait qu’ils le disent ! »
Le 3 mai 1956, ma grand-mère maternelle mourut, à l’âge de soixante-dix ans. Elle s’appelait Marie, prénom le plus courant à l’époque, mais je m’avise que le fait qu’elle soit née un 15 août n’était probablement pas étranger à ce choix. Je ne sais rien d’elle, ni de son physique, ni de son caractère. Ma mère n’en a jamais beaucoup parlé, à peine quelques allusions du bout des lèvres, comme pour éviter de trop en dire, de laisser échapper une certaine rancœur de l’avoir abandonnée. Rancœur qui était peut-être inconsciente ou refoulée. Elle serait sans doute une partie de l’explication de la scène qui se déroula chez le notaire chargé de la succession.
Il me semble que les dernières années de ma grand-mère furent rendues difficiles par la maladie et qu’elle fut un poids pour la maisonnée. Elle vivait avec ma tante, mon oncle et leurs trois enfants. Par eux, je n’ai entendu qu’un seul son de cloche lorsqu’ils en parlaient. Ils disaient invariablement « la pauvre mémé », or « pauvre » signifiait seulement qu’elle était morte. Je suis certain que si Ginette m’appelait aujourd’hui, parlant de sa tante – que jusqu’à présent elle nommait « Tatie » – elle me dirait « ta pauvre mère » de la même façon.
De mes grands-parents maternels, je ne puis me faire la moindre idée, avoir le début d’une représentation quelconque. Ma mère elle-même n’en savait que peu de choses et ce qu’elle en retenait ne pouvait que l’attrister.
Nous nous berçons d’illusion en pensant que la mémoire est sélective, alors qu’elle n’est au bout du compte qu’une passoire. On voudrait se souvenir de tout, se rappeler du moindre fait, fut-il anodin, cependant il nous faut admettre que nous n’avons pas toujours été attentifs quand il le fallait, alors tout s’estompe à un moment ou un autre. Les images s’enfuient, les sons – surtout les voix – disparaissent. Au bout de ce chemin-là, nous nous retrouvons orphelins deux fois, dix fois, cent fois, mille fois… Chaque nouvelle défaite de la mémoire est un clou supplémentaire de notre crucifixion.
Après la mort de leur mère, Marthe prit contact avec le notaire de la famille et lui demanda de dresser l’acte nécessaire pour que la totalité des terres revienne à Germaine. C’est ainsi qu’elle m’a raconté la chose. J’en déduis qu’il s’agissait d’une renonciation à l’héritage, sinon ma mère n’aurait pas eu les moyens de s’acquitter des frais et taxes afférents à une telle donation. La démarche devait paraître inhabituelle – disproportionnée ? – au notaire car lorsque les deux femmes se présentèrent à l’étude pour la signature, il insista à plusieurs reprises pour vérifier que c’était bien la volonté de la plus jeune que de tout céder à l’aînée, qu’elle le faisait volontairement et en toute connaissance de cause.
Bien sûr, ma mère avait toujours été une citadine depuis le jour où elle avait été recueillie par son oncle, elle ne connaissait rien à la terre et ne s’imaginait pas à la tête de quelques hectares dont elle n’aurait su que faire depuis Paris. Mais elle aurait pu vendre tout cela, à sa sœur ou à quiconque, ou bien le donner en fermage. Le fait de s’en séparer rapidement et sans compensation ne marque-t-il pas sa volonté et sa détermination à vouloir tirer un trait sur ce passé ? Peut-être estimait-elle aussi que sa sœur avait eu leur mère à charge tout au long de sa vie d’adulte et qu’il fallait compenser cela ?
Une chose est certaine, en revanche, c’est qu’elle a toujours mis un point d’honneur – d’orgueil ? – à ne rien devoir à personne. Elle aimait répéter cette maxime : « Qui paye ses dettes s’enrichit ». De ceci, il découle que lorsque ma tante nous gardait, mon frère et moi, pour les vacances de Noël, Pâques ou d’été, ma mère lui a toujours donné de l’argent pour payer notre pension. J’en suis le témoin. Je revois Germaine mettant les billets dans la poche de son tablier et repoussant la main de sa sœur en disant : « Non, il ne faut pas, ce n’est pas la peine ». Je ne juge pas ; je raconte.
Ô comme j’aimerais croire en un dieu rendant possible un au-delà quelconque qui nous permette de revoir ceux que nous aimons et que nous avons perdus, qu’ils y poursuivent une existence plus heureuse et éternelle…
Mais je ne crois à rien de tout cela, hélas ! Ma mère ne m’a jamais raconté ce genre d’histoires. Quand je m’allongeais, enfant, auprès d’elle dans son lit avant de rejoindre le mien pour la nuit, c’est la Comtesse de Ségur qu’elle me lisait, aussi m’est-il plus facile de croire à l’existence du Cadichon des Mémoires d’un âne.
Il m’arrive sérieusement de penser que l’athéisme est une forme d’infirmité. Celui qui ne croit pas en Dieu avance bien souvent dans la vie en boitant sans béquille. Mais on ne force pas sa nature profonde. On peut lire la Bible, les vies de saints et tous textes parlant de religion, en apprécier les histoires dans ce qu’elles ont d’avéré et dans ce qui relève du mythe ou du dogme, sans pour autant être touché par la foi. C’est ce qu’il s’est passé, ce qui se passe encore pour moi.
J’aime la beauté des églises, des abbayes cisterciennes et de leurs cloîtres dans leur dénuement ; j’en connais la qualité du silence jusqu’au cœur des centres urbains cacophoniques. Silence propice au recueillement et à la prière, certes. Et en même temps silence de Dieu en retour. Au fond, il se pourrait que toute la puissance de Dieu réside dans son inexistence ; à cela je suis prêt à croire et à admettre que cela le rendrait plus grand encore que ne l’estiment ses fidèles.
La foi est un pansement qui rend la vie et la mort moins douloureuses. Autant dire que c’est un cautère sur une jambe de bois. La vie et la mort – celle des autres avant tout, avant nous – sont des expériences douloureuses et c’est ce qui leur donne un sens. Sinon quoi ? La monotonie des jours sans fin, l’éternité de l’ennui, l’inutilité de l’action, ce que d’aucuns nommeraient un paradis et serait pour moi un enfer total.
Voilà, maman me manquait – me manque et me manquera – terriblement ; aussi lorsque je pensais elle doit bien rire, là-haut, de cette situation grotesque et scandaleuse, je ne pouvais pas y croire sérieusement et cela décuplait mon chagrin.
Non, elle ne rit plus, ne commente plus de ses sentences souvent drôles nos erreurs de jugements. Elle ne dira plus, moquant tel ou tel : « C’est bien la peine d’avoir fait autant d’études pour être aussi bête ! » Elle ne me fera plus reproche de vouloir l’abandonner dans un hospice – même si on ne les appelle plus ainsi désormais – pas plus qu’elle ne me dira qu’en définitive c’est dans un cimetière que j’ai fini par la laisser.
Alors oui, je peux dire des phrases toutes faites sur un au-delà convenu, faire semblant de croire que cela me rassure et m’aide un peu à supporter la perte, l’absence, le vide, mais ce ne sont que des mots creux auxquels je ne crois pas. La vie relève du funambulisme : quand ton pied rate le fil, c’est le vide qui te prend sans possibilité de te laisser y remonter.
Je m’avise soudain que cette pensée magique que nos parents assistent bienveillants, d’un ciel idyllique, au reste de nos jours après eux n’est sans doute rien d’autre qu’une peur confuse de devoir cesser d’être un enfant – quel que soit notre âge – pour devenir enfin des hommes à part entière et prendre toutes nos responsabilités. Nous inventons l’assentiment qu’ils ne peuvent plus nous donner et dont nous croyons encore avoir besoin.
L’interprétation des signes a posteriori étant chose aisée, lorsque les pompes funèbres me rappelèrent au bout de deux jours pour me dire qu’une case double avait été trouvée à Cornebarrieu, j’y vis celui que ma mère avait obtenu gain de cause et devait s’en féliciter. C’est la raison pour laquelle je refusais de contacter directement la Mairie de Toulouse – comme on m’en pressait, au motif que les services n’étaient pas très coopératifs et qu’ils se montreraient peut-être plus conciliants avec la famille – afin d’obtenir une place plus proche. Il n’est pas impossible que cette tentative saugrenue de me déléguer la démarche ait eu pour véritable raison de trouver un lieu moins onéreux, si comme à Paris le prix des concessions varie suivant les quartiers. Quoi qu’il en soit, je pense que ces obsèques-là ont dû coûter plus que prévu, si tant est qu’ils n’ont été à perte pour l’entreprise.
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