lundi 24 septembre 2018

Au bord de la piscine 3/4

III
TENERIFE

La Isla perdida lui sembla de prime abord un hôtel minuscule, lorsque le taxi la déposa devant l’entrée.
Le corps central du bâtiment avait deux étages, tandis que ses deux ailes étaient de plain-pied. On accédait à la réception en gravissant quatre marches, si l’on ne voulait pas prendre le plan incliné qui les flanquait et semblait abrupt et glissant. Les quelques mètres qui séparaient les portes coulissantes du trottoir étaient protégés par une sorte de marquise en béton ajouré d’une verrière laissant passer le soleil de plomb et retenant la pluie lorsque c’était nécessaire.
Le hall d’entrée était décoré à la mauresque, mosaïque au sol, carreaux de faïence typiques sur les murs, le tout illuminé d’un lustre central tarabiscoté en cuivre ouvragé qui devait venir tout droit du Maroc. L’ensemble avait un charme discret qui ne relevait pas du kitch affecté qu’elle avait observé, en bien des circonstances, par exemple dans les restaurants asiatiques.
Derrière un vaste comptoir, l’accueil était ouvert par de larges baies vitrées sur le reste des bâtiments. De fait, l’établissement semblait avoir été édifié autour d’une sorte de cuvette au fond de laquelle la piscine avait naturellement trouvé sa place. Il était fait, outre le corps principal, de trois annexes réparties à l’est, à l’ouest et au nord. L’aile nord abritait des studios indépendants équipés d’une kitchenette mais bénéficiant de l’ensemble des prestations de restauration, piscine et salle de sport de l’hôtel.
L’homme qui l’accueillit, le directeur à ce qu’elle comprit, était petit et légèrement bedonnant tel qu’elle se faisait une image stéréotypée des Espagnols. Jugement qu’elle devait remettre en cause au cours de ses pérégrinations dans la ville, lorsqu’elle découvrirait que l’obésité n’était désormais plus l’apanage des seuls Américains, les autochtones arborant fièrement « airbags ventral et latéraux » ainsi qu’elle résumerait la situation.
L’homme vérifia que son inscription était en ordre, lui remit une feuille photocopiée sur laquelle se trouvaient les renseignements utiles quant aux horaires du petit-déjeuner, du repas du soir, du snack-bar, de la piscine et de la salle de sport. Il lui indiqua qu’elle pouvait disposer d’un coffre-fort dans sa chambre moyennant un supplément de cinq euros par jour qu’il lui fit payer en liquide après avoir accepté sa carte bancaire pour le règlement de son séjour. Il parlait un anglais tout à fait correct et surtout compréhensible, ce qui soulagea Maggie de sa principale appréhension.
Lorsque tous les détails administratifs furent réglés, il contourna son comptoir afin de rejoindre sa cliente à laquelle il fit traverser le hall comme pour ressortir de l’hôtel mais bifurqua à gauche afin de passer par une coursive paysagée qui longeait l’aile droite du bâtiment et les cinq chambres qui s’y trouvaient, pour l’accompagner à l’annexe Est. On y accédait en passant un petit pont enjambant la coursive du niveau inférieur. Elle se retrouva ainsi directement au second étage de ce bâtiment et traversa un long couloir jusqu’à sa chambre, qui était la dernière, au fond à gauche, et portait le numéro 217.
Il ouvrit la porte à l’aide d’une clef minuscule, qui aurait pu être celle d’un cadenas, la fit passer devant lui et entra à son tour pour lui faire visiter l’endroit et lui donner les derniers détails concernant son séjour ici avant de s’éclipser, non sans lui avoir demandé si elle avait des questions particulières.
La chambre était vaste, disposant d’un grand lit double king-size, d’une salle de bains avec douche et w.-c., d’un téléviseur fixé au mur juste au-dessus d’un petit bureau doté d’une chaise moderne, d’un fauteuil bridge capitonné court sur pattes. Elle était également dotée d’un petit balcon donnant sur la piscine, disposant d’une table ronde de jardin et de deux fauteuils de même type, le tout moulé dans le plastique blanc dont elle découvrit très vite qu’il avait servi à tout le mobilier extérieur du lieu. Un minuscule étendoir à linge télescopique était fixé sur le mur de gauche afin de permettre d’étendre les serviettes et maillots de bain. Sur la table, un cendrier laissait à penser que l’on pouvait s’en griller une sur le balcon bien que ce fût interdit partout ailleurs dans l’hôtel.


Légèrement groggy après son voyage, assaillie d’émotions diverses – dans lesquelles se mélangeaient le sentiment de la perte de John et un certain vertige devant la suite à donner à sa vie qui se doublait d’une crainte de sa propre mort – Maggie s’étendit sur le lit et s’endormit très vite pour une sieste chaotique.
Elle n’avait jamais pensé à la mort. Elle savait que celle-ci venait inéluctablement et avait pris le parti de l’ignorer. Lorsque ses parents étaient partis, elle en avait pris acte assez froidement, avec flegme. Pour John, elle avait pleuré. Des larmes dans lesquelles se mêlaient en même temps un chagrin sincère et une rage contre l’adversité. Mais la vérité est que la mort de son mari l’avait mise devant la réalité de la sienne, qui ne pouvait plus n’être qu’une idée vague, désormais.
Ses idées morbides ne devaient pas cesser dans les jours suivants. En se réveillant quelques heures plus tard, elle se rendit compte que de son balcon elle pouvait apercevoir à droite, de l’autre côté du mur de la piscine, un petit cimetière, relativement étroit et tout en longueur. Poussée par la curiosité, quelques jours plus tard elle devait découvrir qu’il s’agissait d’un « Cimetière anglais » dans lequel ses compatriotes se faisaient toujours enterrer à en croire les inscriptions récentes sur les pierres tombales ou les plaques des stèles murales. Elle vit dans cette découverte une sorte d’avertissement qui la glaça au premier abord, avant de la rassurer : peut-être n’était-elle pas venue là par hasard, alors même qu’elle cherchait un endroit où finir ses jours aussi confortablement que possible…


Elle passa la fin de l’après-midi sur son balcon, remettant au lendemain la visite de la ville.
Avant de s’asseoir sur l’un des deux fauteuils, elle se pencha au-dessus du balustre de stuc. Au premier plan, il y avait une sorte de carré de béton rempli de terre dans lequel étaient plantés quelques fleurs, deux énormes palmiers, et une sorte de buisson dont les baies ou les boutons – elle ne distingua pas très bien de quoi il s’agissait – étaient dans les tons orangers. Au second plan, à peine caché sur la gauche par les palmiers dont les troncs étaient déplumés et qui n’avaient de palmes qu’à partir de l’étage au-dessus du sien, on avait une vue magnifique sur la piscine et, au-delà, le solarium et le snack-bar qui le flanquait. L’eau était limpide mais ne semblait pas attirer grand monde, seules deux nageuses s’y ébattaient alors que tout autour les transats étaient pris d’assaut, certains lisant, d’autres faisant des mots croisés, regardant fixement leur tablette comme si c’était un objet essentiel en un lieu pareil, ou faisant la sieste au soleil.
Ayant pris place sur l’un des fauteuils, son regard fut attiré par le bouquet de palmes du premier arbre. Il y avait là une tourterelle qui la fixait d’un petit œil inquisiteur, se demandant sans doute si elle était un danger. Manifestement elle décida que non, puisqu’elle ne bougea pas. Ce n’est qu’au bout de trois jours que Maggie comprit que l’oiseau avait élu domicile à cet endroit pour y couver tranquillement ses œufs. Avec un peu de chance, elle verrait apparaître le bec des oisillons lorsque la mère aurait à les nourrir, se dit-elle.


Bien qu’elle n’ait pas choisi la demi-pension – sur les conseils de M. Montesollo, qui lui avait indiqué qu’elle trouverait aisément de petits restaurants où manger copieusement pour une somme modique, à condition d’éviter les quatre restaurants de la chaîne Compostelana qui étaient de véritables pièges à touristes –, pour ce premier soir, elle décida de dîner au restaurant de l’hôtel.
Situé sous la Réception, il était vaste et lumineux grâce aux larges baies vitrées donnant sur le solarium et le bout de la piscine.
C’était un self-service qui mobilisait le minimum de personnel, mais celui-ci était empressé à veiller que tout se passe bien, à la fois discret et efficace.
Il y avait deux grands buffets réfrigérés sur lesquels étaient disposés les plats proposés, l’un pour les entrées et desserts, l’autre pour les viandes, poissons et légumes. Au premier abord, elle avait trouvé l’ensemble assez fourni, puis elle s’était rendu compte que tous les plats étaient disposés en double, ce qui réduisait de fait le choix proposé. À dix-huit euros le repas, vin non compris, c’était un peu cher. En tout cas pour sa bourse. D’autant que si la qualité était correcte, il n’en restait pas moins que tout ce qui était servi n’avait rien d’exceptionnel ni de transcendant.
Margaret Burnham n’était pas pingre, elle savait simplement qu’il lui fallait compter afin de tenir le plus longtemps possible un train de vie relativement aisé, auquel elle s’était habituée à défaut de l’avoir toujours connu. Si elle avait eu une once d’introspection, elle aurait reconnu sans peine que les sandwichs que dévorait Maggie Shelby dans son enfance étaient loin de valoir ce qu’elle prenait aujourd’hui pour de la cuisine médiocre. Mais il y a des souvenirs que l’on efface volontiers de sa mémoire afin de construire une histoire moins douloureuse, plus conforme à nos rêves…
Si le repas du soir n’était pas à la hauteur, en revanche elle devait convenir le lendemain matin que le petit-déjeuner – cette fois pour une somme modique –, dressé dans la même salle, avec les mêmes buffets dont l’un était réfrigéré pour la charcuterie, les laitages et les fruits, et l’autre chauffé pour les œufs, le bacon, les saucisses et les légumes, était pantagruélique et délicieux. Du côté des machines à café, thé ou chocolat, des plateaux étaient chargés de pains divers et pâtisseries espagnoles telles qu’ensaïmadas et churros. Or, le plan de Maggie était de déjeuner copieusement le matin afin de faire l’économie du repas de midi par mesure d’économie. Le soir, elle se laisserait tenter par les petits établissements dont M. Montesollo lui avait vanté la cuisine et les prix restreints.


Le lendemain, elle entreprit d’explorer la ville. Elle commença par longer le passéo sur le front de mer, puis s’aventura dans les petites rues. L’endroit avait dû être florissant, cependant on sentait que la crise était passée par-là aussi car de nombreuses boutiques étaient fermées et cherchaient un repreneur. C’était le cas, par exemple, de l’unique cinéma qui avait dû voir trop grand avec ses cinq salles de projection. Beaucoup d’échoppes de souvenirs restaient toutefois en activité, qui proposaient les mêmes articles à des prix qui ne variaient pas énormément, que l’on soit face à l’océan ou dans les ruelles étroites de l’arrière-plan.
Au cours de cette pérégrination, elle s’amusa du nombre invraisemblable de minuscules pas de porte, où l’on vendait des billets pour des excursions à la découverte des trésors de l’île. Là encore, le prix pour une journée de balade en car, souvent déjeuner compris, était très abordable.
Sur la Plaza de los reyes catholicos, elle découvrit un casino dans lequel elle entra et tenta sa chance à une machine à sous qui faisait beaucoup de bruit à défaut de vous faire gagner. En poursuivant sa balade, elle se rendit compte qu’il y avait beaucoup d’établissements de jeux pour une si petite ville et plus encore de vendeurs de billets de loterie – pratiquement à chaque coin de rue – devant lesquels il y avait toujours du monde, soit qui venaient acheter un billet, soit qui venaient vérifier si celui de la veille était gagnant.
Le soir, en s’asseyant à la terrasse d’une tasca – dont le traducteur de son smartphone lui avait indiqué qu’il s’agissait d’un bistrot –, elle observa que si les touristes commandaient force boissons et plats de tapas, les autochtones se contentaient le plus souvent d’un café au lait ou d’un petit verre de bière, qu’ici on nommait cañita, qu’ils faisaient durer le plus longtemps possible en louchant sur les tables chargées des étrangers. Dans leurs regards, il n’y avait ni envie ni malveillance, mais davantage une sorte de fatalisme. Ils avaient conscience que les poignées d’euros dépensées par ces visiteurs d’un soir contribuaient à maintenir à flot l’établissement où ils avaient leurs habitudes et que leurs seules consommations n’auraient pas permis de faire tenir. Il n’était pas question ici de réelle pauvreté, mais d’un impératif de compter au plus juste, c’est-à-dire qu’ils étaient exactement dans la même situation que Maggie, à ceci près qu’ils n’avaient pas d’autre endroit où se sentir un peu plus fortunés en migrant. À ce qu’elle avait pu voir, il y avait beaucoup de Cubains qui vivaient ici et elle ne doutait pas que leur situation y était meilleure que celle qu’ils avaient laissée dans leur pays d’origine.


Après trois jours consacrés à la découverte de la ville et de ses trésors naturels ou architecturaux, longeant le front de mer jusqu’à la Playa Martiánez puis dans l’autre direction jusqu’à la Punta Negra, elle décida de partir en excursion à travers l’île.
Elle avait repéré une agence Servitur dont le nom lui rappelait le Selectour de celle de M. Montesollo, et s’y rendit afin de voir de plus près ce qu’elle avait à lui proposer.
Elle fut accueillie chaleureusement par une blonde un peu forte répondant au nom de Renata, qui parlait un anglais impeccable et lui expliqua en détail chacun des produits qu’elle proposait. Elle ne le fit pas à la façon agressive des vendeurs du continent, mais avec le souci de rendre service qui semblait être de mise ici. Maggie avait eu l’occasion de rentrer dans une boutique pour demander un produit particulier qui ne s’y trouvait pas, or elle avait été surprise de la gentillesse avec laquelle la vendeuse lui avait donné le nom d’un établissement concurrent où elle pourrait l’acheter, en lui détaillant l’itinéraire à suivre pour s’y rendre.
Maggie expliqua qu’elle ferait l’impasse sur le sud de l’île, dont elle avait entendu parler par son conseiller de voyage, qui lui en avait dressé un portrait peu flatteur. Elle venait de France et pour voir des fronts de mer bétonnés, il lui aurait suffi d’aller à Narbonne ou à La Grande Motte pour en voir.
De son côté, Renata lui indiqua que le circuit en bateau avec plongeon au milieu des dauphins n’était pas non plus à lui conseiller car c’était un produit très prisé de vacanciers plus jeunes et souvent très turbulents au bout de quelques bières. Sachant jauger et juger sa clientèle, elle avait tout de suite senti la part d’exigence et de perpétuelle insatisfaction de l’Anglaise…
Elle firent affaire pour deux circuits. L’un jusqu’à la cime du volcan avec retour par l’autre versant, l’autre jusqu’à la pointe nord de l’île avec retour par la capitale, Santa Cruz de Tenerife.


La montée vers le sommet du Teide se faisait par une petite route sinueuse traversant des villages aux maisons dispersées entre des cultures en espaliers comme chaque paysage de montagne peut en offrir. Ici, c’était un peu de vigne, des bananiers, de la canne à sucre et des potagers à vocation familiale. Après, on entrait dans une forêt verdoyante où un premier arrêt permettait d’admirer une vue panoramique lorsque – comme ce jour-là – les nuages et la brume ne s’accrochaient pas au versant. Il y avait néanmoins une chose à voir : contre le flanc, de l’autre côté de la route, le ruissellement des eaux avait sculpté naturellement une marguerite dans la roche. Les plus téméraires traversèrent la route pour la photographier de loin, tandis que les plus prudents empruntèrent un passage souterrain qui les conduisit au pied de l’œuvre rupestre. Puis l’ascension se poursuivit jusqu’à l’entrée du Parc naturel pour un « arrêt pipi » et « pause-café » dans un établissement multifonctions où d’autres se portèrent acquéreurs de cartes postales et souvenirs d’un endroit qu’ils n’avaient pas encore découvert. On leur indiqua qu’à partir d’ici il était strictement interdit de ramasser le moindre caillou ou de cueillir la plus petite fleur sous peine de poursuites et d’emprisonnement. La protection de ce lieu naturel étant une priorité prise très au sérieux.
Parvenus sur le cratère du volcan, le soleil était au rendez-vous et brûlait la peau. Elle nota au passage les explications de la guide, sans vraiment s’y intéresser. Il s’agissait du troisième plus important volcan du monde, du cratère le plus vaste et en même temps du point culminant de l’Espagne à une hauteur de 3 718 mètres. On pouvait observer la couleur de soufre de la roche, en sentir l’odeur en même temps que l’on voyait s’élever des fumerolles blanches qui montraient que l’activité en sommeil n’était pas complètement absente. Comme tout le monde, elle fit les quelques dizaines de mètres qui les séparaient d’un rocher en équilibre, célèbre ici, que l’on appelait le doigt de Dieu.
La descente par l’autre versant offrait un paysage bien différent. Celui-ci avait été le chemin des coulées de laves. Si le cratère offrait un paysage lunaire, ici on avait le sentiment de se trouver face à une montagne qui avait été la proie d’un immense incendie et dont la végétation peinait à reprendre le dessus. C’était tout à fait impressionnant.
Impressionnante, la descente vers Masca, où ils devaient déjeuner, le fut bien plus encore en raison de l’étroitesse de la route et de son escarpement. Deux véhicules s’y croisaient à peine et le panorama abrupte donnait des sueurs froides. En proie au vertige, elle se demanda si elle reverait son hôtel.
Masca était un minuscule village accroché au flanc de la montagne, loin de tout. Ils y découvrir néanmoins un petit restaurant dans lequel elle dégusta des chocos – blancs de seiche à la plancha – et une glace à la figue de barbarie que l’on nommait ici chumbo.
Le périple se poursuivit jusqu’à Guarachico, qui avait été l’un des sites les plus impactés par la furie du volcan ; Icod de los Vinos, où l’on pouvait admirer le Drago milenario, un dragonnier – sorte d’asparagus géant – qui serait vieux de plus de 800 ans et mesure 18 mètres de haut pour 20 de diamètre. Spectacle tout à fait impressionnant, quoique sans grand intérêt autre que de figurer dans le Guiness Book, selon elle !


Son second périple l’emmena à San Cristobal de la Laguna, après une heure interminable de ramassage des passagers où elle sentit monter son indignation à l’extrême bord de l’explosion.
La Laguna fut une déception. Le plan de la ville ressemblait à celui des bastides qu’elle avait pu visiter autour de Cahors, avec finalement beaucoup moins de charme. Peut-être cette impression était-elle due en partie au temps maussade, mais celui-ci n’expliquait pas tout.
Ils poursuivirent par la forêt de Las Mercedes, interminable tunnel vert où les branchages éraflaient les côtés et le toit du car. Elle apprit à la volée que cette forêt était constituée d’une multitude d’espèces de lauriers, à l’exception de celui qui est comestible, ainsi que de bruyère – qu’ici on appelait Erica, ce qui l’amusa beaucoup car elle avait eu une amie qui se prénommait ainsi – dont la hauteur pouvait atteindre plus d’une dizaine de mètres et était loin de ressembler aux minuscules buissons qu’elle avait pu rencontrer ailleurs.
Ici aussi, les routes étaient escarpées, quoiqu’un peu moins impressionnantes qu’à Masca. Ils ressortirent à Anaga pour poursuivre jusqu’à Taganana qui était le bout de la route et où ils déjeunèrent dans une sorte de cantine qui ne payait pas de mine avec son mobilier en formica des années cinquante mais où la cuisine se révéla très bonne et abondante pour la modique somme de 10 euros, vin et café compris !
Le point de vue jusqu’aux Roques de Anaga était magnifique ; le bruit de l’océan tumultueux, étrangement apaisant. Maggie se surprit à être sereine, ce qui ne l’empêchait pas de pester contre la guide, d’origine allemande comme celle de l’autre fois, qui avait tendance à donner des explications beaucoup plus longues pour ses compatriotes que celles qu’elle débitait en espagnol pour commencer et en anglais pour conclure.
Le retour se fit par Santa Cruz dont on ne vit pas grand-chose, les bus n’ayant pas le droit d’y circuler. On les parqua une demi-heure devant le Jardin Botanique afin qu’ils puissent se soulager, prendre un café, une glace ou une bière, faire quelques pas sous les frondaisons des flamboyants.
Le peu qu’elle vit de la capitale ne l’inspira pas outre mesure. Les monuments étaient d’une architecture stalinienne de toute mocheté ! Le seul bâtiment moderne, qu’elle n’aperçut que de loin, était l’Auditorium qui n’était pas sans rappeler l’Opéra de Sydney… À l’autre extrémité de la baie, ils étaient passés devant la seule plage de sable fin de l’île. Sable qui avait été importé du continent, puisqu’ici il n’était question de d’une terre volcanique noire.


Ces deux périples lui suffirent amplement. Elle décida d’occuper autrement ses journées et choisit, pour ce faire, de se poster au bord de la piscine, d’où elle pouvait jeter son œil critique sur le monde qui l’entourait…

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