V
Les semaines qui suivirent furent très difficiles pour Jérôme. Il emmena Pierrick de force chez son médecin afin que celui-ci le rassure sur son état, puis essaya de l’entraîner à l’hôpital afin de consulter le médecin référent qui devrait désormais le prendre en charge, mais ce fut en vain. Il se heurta à un refus systématique de toute nouvelle démarche destinée, notamment, à faire apparaître un état précis de la charge virale.
Peu à peu, Pierrick s’enferma dans un déni. Il allait bien, il n’était pas malade, il douta d’être vraiment séropositif et ne se soucia pas de confirmer la chose.
Ce fut une bataille éprouvante, à fleurets mouchetés, sans véritables heurts car le photographe ne voulait pas que son insistance se retourne contre lui. Il finit par se laisser gagner par l’optimiste de l’artiste, dont la toile avançait à petites touches précises dans le plus grand secret.
Pierrick eut des réactions allergiques. On incrimina d’abord le lubrifiant utilisé. On fit l’essai de diverses marques sans constater d’améliorations notables et il fallut se rendre à l’évidence que c’était le latex des capotes qui n’était plus supporté.
Jérôme prit rendez-vous avec l’un de ses ex-amants, qui était généraliste, et eut avec lui une longue conversation sur les risques réels encourus. Il était prêt à abandonner toute protection, il souhaitait simplement le faire en conscience.
Cela n’avait rien d’une volonté suicidaire, mais expliquer les raisons qui le poussèrent sur cette voie lui aurait été impossible. Il se sentait bêtement responsable de l’état de son ami, parce qu’il l’avait indirectement poussé à pratiquer ce maudit test. C’était idiot, cependant l’intelligence a-t-elle jamais eu part dans une passion ?
Jérôme s’attacha à montrer autour de lui les nombreux clichés qu’il avait réalisés des œuvres de Pierrick. L’accueil était presque unanime, cela l’encouragea à proposer à un galeriste, pour lequel il lui était arrivé de travailler et avec qui il avait noué des relations de sympathie, de monter une exposition.
La perspective d’un accrochage dans un espace prestigieux eut un effet dynamisant sur l’artiste, qui investit beaucoup d’énergie dans la préparation de cet événement. Il tria, sélectionna, douta, recommença et finit par abandonner le choix des toiles à celui qui les exposerait. Dès lors, il se consacra entièrement à l’achèvement de la petite toile à laquelle il travaillait sans relâche, et qu’il refusait de montrer à quiconque.
Lorsqu’elle fut datée et signée, il fit venir Jérôme avec son appareil. Il avait été convenu que c’était cette œuvre qui devrait figurer sur l’affiche de l’exposition.
Lorsque le photographe entra dans l’atelier, le chevalet était recouvert d’un long drap blanc immaculé. Devant, sur une sellette, était posé un vase rond dans lequel achevaient de mourir un bouquet de longues tiges aux petites fleurs racornies et fanées. L’artiste se tenait devant la toile dérobée aux regards et attendait son visiteur.
— Tu es prêt ? demanda-t-il, fébrile et exalté.
Jérôme montra l’appareil qu’il tenait à la main, le trépied, la règle colorimétrique qu’il avait posée près de la porte en pénétrant dans la pièce.
— Tout est là. Si tu veux, j’en shoote quelques-unes sur le vif, en découvrant la toile et ensuite je prendrai l’œuvre seule, dans les conditions adéquates pour un meilleur tirage quadri.
— Alors, c’est parti…
Dans un geste emphatique, le jeune homme tira d’un coup sec sur le drap qui s’envola par-dessus son épaule, tandis que crépitaient les flashs à un rythme soutenu.
Jérôme, cadrait d’instinct. Il voulait l’instant. Cette minute de toute beauté où Pierrick, heureux comme il ne l’avait plus vu depuis des mois, montrait son talent et sa foi dans l’avenir.
Puis il posa l’appareil sur une petite table, au milieu des tubes de peinture, et s’approcha du chevalet. Il se pencha sur la toile, qu’il détailla, millimètre par millimètre. Cela ne ressemblait à rien de ce que Pierrick avait peint jusqu’à présent. Ce n’était pas meilleur ou moins bon, c’était autre chose. Non pas une nouvelle manière, mais une œuvre unique. Un manifeste sur l’art, une vision de l’artiste devant le défi de la toile. C’était profond, tumultueux et ironique. C’était magnifique, il en était soufflé.
— Alors ? La question était pleine d’espoir, la voix cassée par une émotion trop forte. Le retour du doute dès que l’on montre un travail qui nous a accaparé pendant si longtemps qu’on ne sait plus si l’objectivité était encore présente dans notre jugement de créateur.
— C’est sublime, dit-il. Je la veux !
Pierrick éclata de rire, soulagé et à nouveau pleinement heureux. Toutes ces heures passées à retoucher sans cesse n’avaient pas été vaines.
— Elle n’est pas à vendre, dit-il.
— J’espère bien !
Jérôme fit ensuite sortir l’artiste et resta seul avec la toile et son matériel. Il s’affaira, régla les lumières, fit des essais qui ne le satisfaisaient pas complètement, recommença autant qu’il le fallut et prit enfin le cliché qu’il attendait. Plus que jamais, il fallait atteindre la perfection pour un rendu optimum.
Il sortit de l’atelier en abandonnant derrière lui la plus grande partie de son matériel. L’artiste attendait dans l’escalier, toujours souriant, deux verres de gin à la main.
— Ça s’arrose, non ?
— Pas le temps, mon amour. Je te laisse tout mon matos, au cas où il faudrait recommencer, et je file à la maison traiter tout cela. On boira plus tard. Ce soir ou demain…
— Je peux venir avec toi ?
— NON !!! Moi aussi je veux être seul pour accoucher. Chacun son tour… Tu me fais confiance ?
— Il faudra bien, répondit le jeune homme, espiègle.
Le photographe s’envola, pour ne reparaître que le lendemain.
Il portait sous le bras un grand carton à dessin dans lequel se trouvait la maquette de l’affiche, dont il venait de faire exécuter un tirage numérique aussi proche que possible de l’impression offset finale.
Depuis la veille, il s’était isolé pour traiter une à une les photographies qu’il avait prises. Il n’avait répondu à aucun des appels de Pierrick, insouciant de l’angoisse dans laquelle ce silence pouvait plonger son amant, entièrement tourné vers le but qu’il s’était fixé et porté par son enthousiasme.
Les clichés de la toile posée à plat étaient parfaits, il avait beau chercher la petite bête, rien ne clochait techniquement ; or, ils ne le satisfaisaient pas. Prise ainsi, la toile était comme morte. Elle ne parvenait pas à exprimer tout ce qu’elle portait en elle et qui sautait aux yeux lorsqu’elle était devant vous. Il tourna le problème dans tous les sens, s’entêta avec raison car la solution lui apparut comme une évidence au milieu de la nuit. Il déchira tous ses rushs et revint aux premiers clichés de la soirée, ceux qu’il avait pris au moment où l’artiste dévoilait son travail.
Cette toile parlait du peintre face à son œuvre, de la difficulté de la création et de l’exaltation à se jouer des pires difficultés. Sur l’affiche, elle n’en parlerait que mieux si l’artiste victorieux et comblé était là pour en faire la démonstration. Ce ne serait pas une affiche statique, comme chaque galerie en produisait, elle serait dans la dynamique de l’œuvre exposée.
Il se remit à la tâche, peaufina, calcula au millimètre la surface du visuel sur l’affiche. Pas de fond perdu, mais un fond blanc sur lequel péterait le motif et se détacherait une typographie claire et rigoureuse, élégante et discrète, ce qu’il fallait pour faire passer le message sans s’imposer plus que de raison.
En haut, le fac-similé de la signature de l’artiste, dessous le titre de la toile – qui devenait ainsi également celui de l’exposition –, la photographie du maître devant son œuvre, et au rez-de-chaussée le nom de la galerie et ses coordonnées ainsi que les dates de l’exposition.
Jérôme posa le carton à dessin sur le chevalet, à la place de la toile qu’il posa précieusement contre le dossier d’une chaise.
Pierrick attendait, anxieux et impatient. Il avait voulu voir le projet dès l’arrivée de son amant, mais celui-ci l’avait gentiment éconduit. Il fallait faire les choses dans les règles. C’était une présentation à un client…
Il fit un petit laïus afin d’expliquer ce qu’il avait cherché à obtenir, puis dévoila enfin le fruit de son travail.
La photographie retenue était l’une des dix premières qu’il avait prises. Au premier plan la sellette et le bouquet de fleurs fanées, juste à côté, Pierrick radieux et riant, et au second plan – parfaitement visible dans son ensemble – une toile rectangulaire de format moyen représentant en abyme la scène reproduite par le photographe : une sellette au premier plan, supportant un vase rond contenant un bouquet fané, aux petites fleurs cuites et rabougries, un artiste mettant la dernière touche à sa toile… La différence notable était que dans l’œuvre peinte, Pierrick apparaissant soucieux et concentré, le front plissé. Pourtant, dans le vase de la toile qu’il peignait, les petites fleurs étaient pimpantes. Elles avaient de minuscules pétales blancs finement mouchetés de rose, deux petits points jaunes pollinisaient chacun d’entre eux, les tiges semblaient être couvertes d’un léger duvet de poils… Le challenge était là, dans l’allégorie entre le bouquet fané posant pour le bouquet fleuri. Le peintre avait dépassé l’impossible, il avait saisi la vie qui s’en était allée.
Le tableau avait pour titre “Désespoir du peintre”. Ce désespoir-là ne vit pas davantage que la fleur, être artiste c’est savoir le sublimer pour le dépasser.
Pierrick était désormais aussi vivant que le bouquet qu’il venait de réussir contre la dégradation du modèle.
Ils firent l’amour à même le plancher de l’atelier, se noyant dans les yeux l’un de l’autre, heureux et rêvant d’un avenir commun où leurs deux arts se compléteraient aussi bien que leurs deux corps, que leurs deux cœurs. L’exposition serait un succès, cela donnerait à Pierrick la force d’affronter un futur incertain.
Ils jouirent ensemble, à la même seconde, en de longs spasmes qui les laissèrent épuisés. Ils s’endormirent l’un contre l’autre et poursuivirent leur rêve.
Peu à peu, Pierrick s’enferma dans un déni. Il allait bien, il n’était pas malade, il douta d’être vraiment séropositif et ne se soucia pas de confirmer la chose.
Ce fut une bataille éprouvante, à fleurets mouchetés, sans véritables heurts car le photographe ne voulait pas que son insistance se retourne contre lui. Il finit par se laisser gagner par l’optimiste de l’artiste, dont la toile avançait à petites touches précises dans le plus grand secret.
Pierrick eut des réactions allergiques. On incrimina d’abord le lubrifiant utilisé. On fit l’essai de diverses marques sans constater d’améliorations notables et il fallut se rendre à l’évidence que c’était le latex des capotes qui n’était plus supporté.
Jérôme prit rendez-vous avec l’un de ses ex-amants, qui était généraliste, et eut avec lui une longue conversation sur les risques réels encourus. Il était prêt à abandonner toute protection, il souhaitait simplement le faire en conscience.
Cela n’avait rien d’une volonté suicidaire, mais expliquer les raisons qui le poussèrent sur cette voie lui aurait été impossible. Il se sentait bêtement responsable de l’état de son ami, parce qu’il l’avait indirectement poussé à pratiquer ce maudit test. C’était idiot, cependant l’intelligence a-t-elle jamais eu part dans une passion ?
Jérôme s’attacha à montrer autour de lui les nombreux clichés qu’il avait réalisés des œuvres de Pierrick. L’accueil était presque unanime, cela l’encouragea à proposer à un galeriste, pour lequel il lui était arrivé de travailler et avec qui il avait noué des relations de sympathie, de monter une exposition.
La perspective d’un accrochage dans un espace prestigieux eut un effet dynamisant sur l’artiste, qui investit beaucoup d’énergie dans la préparation de cet événement. Il tria, sélectionna, douta, recommença et finit par abandonner le choix des toiles à celui qui les exposerait. Dès lors, il se consacra entièrement à l’achèvement de la petite toile à laquelle il travaillait sans relâche, et qu’il refusait de montrer à quiconque.
Lorsqu’elle fut datée et signée, il fit venir Jérôme avec son appareil. Il avait été convenu que c’était cette œuvre qui devrait figurer sur l’affiche de l’exposition.
Lorsque le photographe entra dans l’atelier, le chevalet était recouvert d’un long drap blanc immaculé. Devant, sur une sellette, était posé un vase rond dans lequel achevaient de mourir un bouquet de longues tiges aux petites fleurs racornies et fanées. L’artiste se tenait devant la toile dérobée aux regards et attendait son visiteur.
— Tu es prêt ? demanda-t-il, fébrile et exalté.
Jérôme montra l’appareil qu’il tenait à la main, le trépied, la règle colorimétrique qu’il avait posée près de la porte en pénétrant dans la pièce.
— Tout est là. Si tu veux, j’en shoote quelques-unes sur le vif, en découvrant la toile et ensuite je prendrai l’œuvre seule, dans les conditions adéquates pour un meilleur tirage quadri.
— Alors, c’est parti…
Dans un geste emphatique, le jeune homme tira d’un coup sec sur le drap qui s’envola par-dessus son épaule, tandis que crépitaient les flashs à un rythme soutenu.
Jérôme, cadrait d’instinct. Il voulait l’instant. Cette minute de toute beauté où Pierrick, heureux comme il ne l’avait plus vu depuis des mois, montrait son talent et sa foi dans l’avenir.
Puis il posa l’appareil sur une petite table, au milieu des tubes de peinture, et s’approcha du chevalet. Il se pencha sur la toile, qu’il détailla, millimètre par millimètre. Cela ne ressemblait à rien de ce que Pierrick avait peint jusqu’à présent. Ce n’était pas meilleur ou moins bon, c’était autre chose. Non pas une nouvelle manière, mais une œuvre unique. Un manifeste sur l’art, une vision de l’artiste devant le défi de la toile. C’était profond, tumultueux et ironique. C’était magnifique, il en était soufflé.
— Alors ? La question était pleine d’espoir, la voix cassée par une émotion trop forte. Le retour du doute dès que l’on montre un travail qui nous a accaparé pendant si longtemps qu’on ne sait plus si l’objectivité était encore présente dans notre jugement de créateur.
— C’est sublime, dit-il. Je la veux !
Pierrick éclata de rire, soulagé et à nouveau pleinement heureux. Toutes ces heures passées à retoucher sans cesse n’avaient pas été vaines.
— Elle n’est pas à vendre, dit-il.
— J’espère bien !
Jérôme fit ensuite sortir l’artiste et resta seul avec la toile et son matériel. Il s’affaira, régla les lumières, fit des essais qui ne le satisfaisaient pas complètement, recommença autant qu’il le fallut et prit enfin le cliché qu’il attendait. Plus que jamais, il fallait atteindre la perfection pour un rendu optimum.
Il sortit de l’atelier en abandonnant derrière lui la plus grande partie de son matériel. L’artiste attendait dans l’escalier, toujours souriant, deux verres de gin à la main.
— Ça s’arrose, non ?
— Pas le temps, mon amour. Je te laisse tout mon matos, au cas où il faudrait recommencer, et je file à la maison traiter tout cela. On boira plus tard. Ce soir ou demain…
— Je peux venir avec toi ?
— NON !!! Moi aussi je veux être seul pour accoucher. Chacun son tour… Tu me fais confiance ?
— Il faudra bien, répondit le jeune homme, espiègle.
Le photographe s’envola, pour ne reparaître que le lendemain.
Il portait sous le bras un grand carton à dessin dans lequel se trouvait la maquette de l’affiche, dont il venait de faire exécuter un tirage numérique aussi proche que possible de l’impression offset finale.
Depuis la veille, il s’était isolé pour traiter une à une les photographies qu’il avait prises. Il n’avait répondu à aucun des appels de Pierrick, insouciant de l’angoisse dans laquelle ce silence pouvait plonger son amant, entièrement tourné vers le but qu’il s’était fixé et porté par son enthousiasme.
Les clichés de la toile posée à plat étaient parfaits, il avait beau chercher la petite bête, rien ne clochait techniquement ; or, ils ne le satisfaisaient pas. Prise ainsi, la toile était comme morte. Elle ne parvenait pas à exprimer tout ce qu’elle portait en elle et qui sautait aux yeux lorsqu’elle était devant vous. Il tourna le problème dans tous les sens, s’entêta avec raison car la solution lui apparut comme une évidence au milieu de la nuit. Il déchira tous ses rushs et revint aux premiers clichés de la soirée, ceux qu’il avait pris au moment où l’artiste dévoilait son travail.
Cette toile parlait du peintre face à son œuvre, de la difficulté de la création et de l’exaltation à se jouer des pires difficultés. Sur l’affiche, elle n’en parlerait que mieux si l’artiste victorieux et comblé était là pour en faire la démonstration. Ce ne serait pas une affiche statique, comme chaque galerie en produisait, elle serait dans la dynamique de l’œuvre exposée.
Il se remit à la tâche, peaufina, calcula au millimètre la surface du visuel sur l’affiche. Pas de fond perdu, mais un fond blanc sur lequel péterait le motif et se détacherait une typographie claire et rigoureuse, élégante et discrète, ce qu’il fallait pour faire passer le message sans s’imposer plus que de raison.
En haut, le fac-similé de la signature de l’artiste, dessous le titre de la toile – qui devenait ainsi également celui de l’exposition –, la photographie du maître devant son œuvre, et au rez-de-chaussée le nom de la galerie et ses coordonnées ainsi que les dates de l’exposition.
Jérôme posa le carton à dessin sur le chevalet, à la place de la toile qu’il posa précieusement contre le dossier d’une chaise.
Pierrick attendait, anxieux et impatient. Il avait voulu voir le projet dès l’arrivée de son amant, mais celui-ci l’avait gentiment éconduit. Il fallait faire les choses dans les règles. C’était une présentation à un client…
Il fit un petit laïus afin d’expliquer ce qu’il avait cherché à obtenir, puis dévoila enfin le fruit de son travail.
La photographie retenue était l’une des dix premières qu’il avait prises. Au premier plan la sellette et le bouquet de fleurs fanées, juste à côté, Pierrick radieux et riant, et au second plan – parfaitement visible dans son ensemble – une toile rectangulaire de format moyen représentant en abyme la scène reproduite par le photographe : une sellette au premier plan, supportant un vase rond contenant un bouquet fané, aux petites fleurs cuites et rabougries, un artiste mettant la dernière touche à sa toile… La différence notable était que dans l’œuvre peinte, Pierrick apparaissant soucieux et concentré, le front plissé. Pourtant, dans le vase de la toile qu’il peignait, les petites fleurs étaient pimpantes. Elles avaient de minuscules pétales blancs finement mouchetés de rose, deux petits points jaunes pollinisaient chacun d’entre eux, les tiges semblaient être couvertes d’un léger duvet de poils… Le challenge était là, dans l’allégorie entre le bouquet fané posant pour le bouquet fleuri. Le peintre avait dépassé l’impossible, il avait saisi la vie qui s’en était allée.
Le tableau avait pour titre “Désespoir du peintre”. Ce désespoir-là ne vit pas davantage que la fleur, être artiste c’est savoir le sublimer pour le dépasser.
Pierrick était désormais aussi vivant que le bouquet qu’il venait de réussir contre la dégradation du modèle.
Ils firent l’amour à même le plancher de l’atelier, se noyant dans les yeux l’un de l’autre, heureux et rêvant d’un avenir commun où leurs deux arts se compléteraient aussi bien que leurs deux corps, que leurs deux cœurs. L’exposition serait un succès, cela donnerait à Pierrick la force d’affronter un futur incertain.
Ils jouirent ensemble, à la même seconde, en de longs spasmes qui les laissèrent épuisés. Ils s’endormirent l’un contre l’autre et poursuivirent leur rêve.
24 décembre 2007 – 7 août 2009.
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