jeudi 25 décembre 2014

Tante Chochotte

Je suis vieille. Si vieille qu’il m’arrive de plus en plus souvent de me demander si j’ai jamais été jeune ! Et pourtant, je me souviens de cette petite fille craintive qui a grandi dans une Pologne asservie, sans espoir, bien avant que l’ensemble de mes contemporains n’entende parler de Gdańsk qui m’a vu naître quand elle s’appelait encore Dantzig, que le mot "Solidarność" ne devienne international et que Karol Wojtyla par sa visite papale n’entérine l’espoir fou d’un monde nouveau…
Je suis née en août 1914, dans une Europe qui s’entre-tuait. Aujourd’hui, j’ai cent ans dans une Europe qui se donne l’apparence d’une unité politique entre les nations mais dans laquelle les peuples n’aspirent qu’au retour d’un nationalisme plus ou moins belliqueux. Cela m’amuse plus que ça ne m’effraye. J’ai épuisé mon quota de peurs au long de mes jours. La leçon de toute une vie, c’est l’apprentissage de la vanité des choses.
 J’ai longtemps été craintive, comme si je sentais intuitivement la liste des avanies qui allait me tomber dessus au fil des ans. Mes frères et mes cousins m’ont brocardée toute mon enfance sur ma prudence, mes atermoiements, ma passivité devant les événements qui me terrorisaient par avance.
De leurs nombreux quolibets, un qualificatif m’a collé à la peau toute ma vie et encore aujourd’hui : "chochotte". C’est généralement ainsi que l’on appelle les garçons douillets, maniérés, efféminés.
Seule fille de ma génération, au milieu de tous ces garçons, j’aurais dû être – du moins à leurs yeux – un des leurs, un garçon manqué ; or j’étais une fille avec un caractère de fille, une pisseuse, une pleureuse… En un mot, une chochotte !
— Jesteś taką cipką, disait-on de moi à longueur de journée : Quelle chochotte.
Ce mot me poursuivra jusque dans la tombe, j’en ai… peur !
Je ne me plains pas. Ce n’est pas dans ma nature. Et puis, l’éducation que j’ai reçue ne m’aurait guère laissé le loisir de larmoyer et m’attendrir sur mon sort. L’essentiel était d’avancer. Souvent pour fuir l’adversité ; parfois mue par un espoir qui ne tenait pas ses promesses. L’important, ce n’est pas la promesse, c’est l’espoir. Non, ce n’est pas l’important, c’est le moteur. Sans lui on reste sur le bord de la route ; avec lui on fonce droit devant. Qu’importe le mur !
Je suis d’une génération qui avance sans réfléchir, c’est ce qui me différencie de la génération moderne qui réfléchi souvent pour évider d’avoir à avancer. Et encore, lorsqu’elle a le courage ou la capacité de réfléchir…
Je suis trop vieille pour comprendre. Ce monde m’échappe. Il est possible que ce soit eux qui aient raison et moi tort. Peut-être ai-je été trop servile ? J’aurais dû me révolter, ruer dans les brancards. Je n’en avais pas la force et il ne m’est pas venu à l’idée que la passivité peut être une forme de résistance. Ma propre passivité n’était que d’abandon, de résignation, de soumission.
Je suis née trop tôt, dans un milieu qui ne m’était pas propice. Seule fille, je serais aujourd’hui adulée ; à l’époque je n’étais que la récompense offerte à ma mère qui avait avec moi trouvé à qui passer le flambeau… enfin, le balai, la serpillière, la lessiveuse, les casseroles…
Il me faudrait peut-être envier mes arrières-arrières-petites-nièces qui ne savent ni coudre ni faire cuire un œuf à la coque ? Pour la couture, mes doigts gourds m’en dispensent désormais. Quant à la cuisine, je veux bien avouer le plaisir qui est le mien lorsque je prépare les plats qui ont rythmé ma vie et fait ma réputation. Mais qui veut désormais goûter à mes Roulades de bœuf ou à mon Chou farci à l’huile et au riz, plats que je servais traditionnellement avec une sauce à l’huile ? Trop gras ! La diététique tue le goût et le plaisir de la cuisine. Quant à mon gâteau au pavot et aux fruits secs, ou mon gâteau sablé aux pommes, les voilà maintenant trop sucrés ! Je ne suis pas certaine que les betteraves fermentées d’un merveilleux bortsch trouveraient grâce aux yeux de cette génération hypocrite qui refuse le gras et le sucre pour mieux se jeter sur les sodas et les biscuits apéritifs saturés de mauvaises graisses et de sel.
Je suis agacée, et pour tout dire très triste. En refusant ma cuisine, ils me mettent face à mon inutilité, me retirent les prérogatives qui ont si longtemps été les miennes dans la famille, celles qui consistaient à assurer l’intendance, celles avec lesquelles je payais ma place.
Avec eux, je feins d’en plaisanter, je leur explique qu’à la vitesse à laquelle je file et avec l’avance que j’ai prise, ni le diabète, ni le cholestérol ne me rattraperont jamais ; mais c’est très dur, j’ai l’impression qu’ils me volent ma vie. Une vie qui m’a été volée tant de fois et de tant de façons…
J’ai ceci de commun avec la Pologne, que notre histoire a été plus que chaotique ; l’une tout autant que l’autre, nous n’avons cessé d’être dominées par des hommes qui ne nous aimaient pas ou d’autres qui ne savaient pas comment nous prendre. Cependant, il faut croire que nous étions résistantes, puisque nous voici droites et fortes aujourd’hui. Je ne dirais pas "libres", car je sais bien à quel point tout ceci est relatif, même si les contraintes peuvent apparaître moins violentes qu’elles l’ont été jusqu’ici.
En même temps, que sais-je vraiment de mon pays natal, où je n’ai pas passé de 10 % de mon existence ?
Ma pensée s’embrouille et part dans tous les sens. Il m’arrive aussi de radoter, de répéter souvent les mêmes choses parce que j’oublie que je viens de les dire. Je n’ai plus de mémoire immédiate, trop de choses encombrent ma mémoire du passé ! Je me demande si, dans quelques années, je me souviendrai des choses d’aujourd’hui qui pourtant m’échappent si souvent.
Oui, je parle d’avenir. Non pas par optimisme, mais parce qu’il me semble que Dieu m’a oubliée ici. Il faut dire qu’il ne s’est jamais beaucoup inquiété de moi et que mes prières les plus ferventes n’ont eu d’écho à aucun moment.
Avec l’âge, parce que je n’avais plus rien à craindre, j’ai pris mes distances par rapport à l’Église, pris l’habitude de me gausser des belles paroles qui prêchent les lendemains qui chantent. « Les premiers seront les derniers… », voici bien quelque chose dont je ne doute pas un instant : les premiers parmi les pauvres seront les derniers à s’enrichir, tout comme les premiers servis seront les derniers à mourir de faim… Foutaises !
J’ai été une bonne catholique, comme j’ai été une bonne cuisinière. Dans les deux cas, tout ceci est loin, bien qu’il me reste des automatismes, voire une certaine nostalgie.
Je repense à cette parole de Jean de la Croix : « Dieu ne remplit pas nos vies, il y creuse son absence. » Pour ma part, je crains qu’il ait creusé si profond qu’il ne puisse plus en remonter. Et si c’est blasphémer que de le dire, alors ma punition est toute trouvée, peut-être même déjà prononcée, dans une immortalité que je sens venir comme un supplice… Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonnée ?
Mon histoire personnelle est aussi chaotique que celle de mon pays ou même de ma ville natale. C’est un peu comme si trois destins s’y étaient donné rendez-vous un matin d’août 1914 pour tenter de se jouer ensemble de la fatalité.
Dantzig était alors sous la coupe de la Prusse depuis presque un siècle, après bien des vicissitudes. Celle qui avait été l’ancienne capitale du duché de Poméranie était devenue polonaise en 1295, puis avait été ballottée entre Chevaliers Teutoniques et Ligue Hanséatique avant d’obtenir pour la première fois le statut de ville libre au sein du Royaume de Pologne jusqu’à son annexion par la Prusse en 1793. Elle redevint ville libre sous l’occupation napoléonienne mais fut reprise par les Prussiens en 1815 qui en firent la capitale de la Prusse Occidentale à peine un demi-siècle plus tard. Nous autres, Polonais, étions en minorité chez nous. Doublement, puisque le luthéranisme de l’envahisseur l’emportait sur notre catholicisme.
J’ai beau avoir un âge certain, il est bien évident que je n’ai ni connu ni même eu conscience de tout ceci dans mon enfance. Ces "souvenirs"-là, ne sont rien d’autre qu’un amalgame entre la réminiscence des discours nationalistes de mon père et des lectures postérieures, mais ils font partie de mon histoire car ils en éclairent la péripétie la plus importante : notre départ pour un exil sans retour.
En 1919, Dantzig fut retiré à l’Allemagne par le Traité de Versailles et redevint une ville libre qui fut placée l’année suivante sous la protection de la Société des Nations tandis que la Pologne conservait un contrôle économique important, disposait d’une garnison militaire et gérait l’administration des postes. La population, à 95 % germanophones, développa alors un sentiment anti-polonais qui poussa ma famille à s’expatrier.
Nous arrivâmes en France en 1922 grâce à un programme de la « Mission française pour le Recrutement de la Main-d’œuvre en Pologne », et nous installâmes dans le Nord-Pas-de-Calais où mon père et mes frères prirent le chemin de la mine.
Mon jeune âge, je n’avais que huit ans, m’a permis de m’intégrer plus facilement que le reste de la famille. Apprendre une nouvelle langue était au sens propre comme au sens figuré un jeu d’enfant pour moi. J’avais de bons résultats à l’école et, parce que j’étais la petite dernière, que le reste de la fratrie était casé à la mine ou en usine, on me laissa tranquille jusqu’au certificat d’études.
En dehors de l’école, j’aidais ma mère au ménage et à la cuisine. Ce fut pour moi une seconde formation. Si mon goût pour les études pouvait me laisser espérer d’élever un peu ma condition – à une époque où les femmes étaient loin d’avoir l’émancipation qu’elles ont obtenue par la suite –, maman voulait assurer mes arrières en m’offrant toutes les capacités d’une parfaite femme d’intérieur. Ce que je fus sans doute à ma façon…
J’eus une enfance heureuse. Nous ne roulions pas sur l’or mais disposions du nécessaire sans rêver du superflu. Après mon certificat, je pris des cours de sténodactylographie dans l’espoir d’être embauchée dans les bureaux des mines. Cependant, le destin en décida autrement. Mon père succomba le 31 juillet 1929, avec sept de ses camarades, dans un coup de grisou à Courcelles-lès-Lens. Ma mère, qui ne travaillait pas, dut quitter la petite maison ouvrière ou nous logions et nous quittâmes la région toutes les deux pour Paris où l’une de ses sœurs l’avait assurée qu’elle trouverait facilement un emploi.
Nous vécûmes trois ans de galère avant que je puisse à mon tour entrer au secrétariat d’une société de négoce en vins. Elle était dirigée par un jeune pied-noir volubile et vantard qui ne manquait pas de charme. J’en tombais vite amoureuse malgré les dix ans qui nous séparaient. L’histoire est assez banale pour n’en pas parler davantage. Ce fut une liaison secrète et tendre qui nous convenait autant à l’un qu’à l’autre. Elle s’étira ainsi jusqu’en 1939 où les rumeurs de guerre poussèrent mon amant à quitter la France pour un retour à Oran au sein de sa famille. Maman et moi, qui rêvions souvent d’un retour en Pologne fûmes détournées de notre projet par l’invasion de notre patrie par les troupes allemandes le 1er septembre. Ce fut le déclencheur de la seconde Guerre Mondiale et nous acceptâmes de franchir la Méditerranée dans les bagages de Maurice.
Comme de juste, de secrète qu’elle était, notre liaison devient ultra-secrète une fois sur le sol algérien. J’étais une goy de piètre naissance, on avait d’autres projets pour le rejeton de la famille ! Maurice épousa donc une jeune juive de bonne famille qui apportait en dot quelques hectares de vignes d’un bon rendement. Que pouvais-je y faire ? Très vite le couple eut un héritier et par un concours de circonstances improbable je fus priée de délaisser la sténodactylo pour les couches et les biberons. Maurice me culbutait de loin en loin, de moins en moins, mais restait farouchement jaloux et possessif.
De son côté, ma mère avait trouvé un travail dans un petit hôtel-restaurant près du port et nous aimions nous retrouver dès que nous pouvions prendre une journée. Elle ne comprenait pas pourquoi je ne cherchais pas de mari, insistait beaucoup pour que je m’y mette « car une femme n’est pas faite pour rester seule » disait-elle.
Cette vie n’était pas désagréable. Elle dura jusqu’en 1962 ou il fallut repasser la Méditerranée. Ce fut la fin de tout. Si Maurice, sa famille, ma mère et moi voyageâmes sur le même bateau, nos routes se séparèrent définitivement sur le port de Marseille où nous fûmes bien mal accueillis par des dockers haineux qui hurlaient des slogans vengeurs tout en jetant nos valises à la mer : « Pieds-noirs, rentrez chez vous », « Les pieds-noirs à la mer ».
Maman et moi remontâmes à Paris où elle trouva une place de concierge dans un petit immeuble propret. C’était pour un remplacement temporaire, mais celui-ci s’éternisa jusqu’à sa mort quelques années plus tard.
À mon retour d’Algérie, j’avais quarante-huit ans. C’est dire que je n’étais plus jeune ! C’est en tout cas ainsi que je voyais les choses à l’époque. Aujourd’hui, je me rends compte à quel point c’était stupide… Je n’avais pas fait la moitié de mon chemin ! Il était en tout cas trop tard pour chercher un mari. Alors je me suis consacrée au reste de la famille qui avait quitté le Nord pour la capitale au fil des années. C’est ainsi que je devins la "Tante Chochotte" d’une ribambelle de gamins que j’ai torchés et nourris au fil des ans, puis de leurs rejetons ensuite.
Une vie de travail qui ne fut pas pour autant sans plaisirs et qui sera au bout du bout sans regrets. La roue tourne, elle nous emporte plus ou moins vite mais qu’importe ! Tant des miens s’en sont allés avant mon heure. Je reste seule comme maman l’avait prédit. Pour autant, si j’avais eu un mari et des enfants, qui peut dire si je serais moins seule aujourd’hui, vieillarde cacochyme, citadelle inexpugnable contre laquelle la mort semble se casser les dents et ne plus oser combattre.
Je suis là, assise dans mon fauteuil habituel à deux pas de la table, et je raconte ma vie à voix haute. Pour personne puisque je suis seule. Je la ressasse moins par peur d’oublier que pour briser la solitude infinie qui est mon lot quotidien depuis si longtemps.
"Chochotte", j’avais peur des autres, peur des événements inattendus… au fond, je n’avais peur de rien quand un rien me faisait peur. Je n’ai jamais craint l’essentiel, je m’en rends compte aujourd’hui, qui est simplement l’isolement extrême. Preuve que je n’avais rien compris, j’étais du genre à fuir le monde et préférer me tenir à l’écart de toute compagnie.
Je compte les jours. Non pas ceux qu’il me reste, puisque je n’en sais rien, mais ceux qui se sont écoulés. C’est une tâche harassante qui m’épuise, qui m’use, mais aussi malheureusement me maintient en vie !
Tant des miens sont partis ! Si je ne suis plus là pour assurer leur survie dans ma mémoire et mon cœur, il ne restera plus rien d’eux. C’étaient de trop petites gens pour laisser des traces indélébiles sur cette terre. Ils n’ont rien découvert ni inventé d’essentiel ou de superflu pour l’Homme, ils n’ont pas davantage commis de massacre ou de forfait marquant, ce n’étaient comme moi que des grains de poussière ballottés dans la tornade des âges.
Qui se souviendra de moi ? Est-ce si important que cela, d’ailleurs ?
Je n’ai pas eu d’enfant. Je ne sais plus très bien si c’était par choix, mais si tel est le cas alors je suis fier de moi ! Quelle ineptie de s’entêter à perpétuer une espèce qui n’a de cesse de courir à sa perte et à celle de la planète sur laquelle elle prolifère.
Pourtant, si j’en avais eu je sais que je les aurais aimés et protégés comme une louve, montrant les crocs et me jetant en avant si quiconque leur aurait voulu du mal.
N’est-ce pas ce que j’ai fait avec la descendance de mes frères et sœurs quand on me l’a collée dans les bras ? Jamais mère, toujours nourricière… Tel fut mon lot.
Je mourais seule, abandonnée de tous, oubliée dans ma loge inutile. Celle où travaillait maman et que l’on m’a laissée pour une somme raisonnable parce qu’elle ne fut pas remplacée après son décès.
Je m’éteindrai doucement comme une chandelle dans le vent, ou bien je tomberai et ma tête heurtera un meuble ou le sol de façon trop violente. C’est ainsi que meurent ceux qui sont devenus trop vieux sans embûche. C’est peut-être le dernier cadeau d’un Ciel qui les avait délaissés trop longtemps à eux-mêmes.
La mort ne me fait pas peur, elle m’intrigue ! Je l’ai attendue trop longtemps, si longtemps que je doute plus encore de son existence que de celle de Dieu. Faribole pour faribole, si les deux ne faisaient qu’un dans leur inexistence ou leur improbabilité ?
J’ai aimé cette vie, ma vie, qui n’était pas toute rose, ni toute noire non plus. Je ne regrette rien, pas plus que je ne voudrais la revivre, celle-là ou une autre. J’ai fait de mon mieux, parfois gauchement, d’autrefois mieux inspirée. Que celui qui n’a jamais péché me jette la première pierre et je lui bâtirai un temple à son image, ridicule et présomptueux.
Quand je mourais, car je sais bien que cela finira par arriver, sinon ce serait la négation même de ma vie, il faudra que l’on m’incinère. C’est ma dernière volonté. D’abord parce que je n’ai de place dans aucun caveau, ensuite parce que je sais que personne ne fera la dépense de m’en offrir un fut-il provisoire, enfin parce que ce sera un bon moyen d’avoir un avant-goût de l’enfer s’il me faut y aller.
Ce qui me réconforte, c’est qu’il n’y aura personne pour verser des larmes. Mes arrières-arrières-petits-neveux, du moins ceux qui seront présents, seront trop pressés d’en finir pour aller vaquer à leurs occupations. Et ils auront entièrement raison. La mort qui m’aura saisie s’en sera déjà retournée, quant à moi je n’y serai plus. Leurs visites, c’est maintenant qu’elles me soulageraient de cet ennui, de cette attente.
Si j’avais épousé un homme riche ou fais fortune par moi-même, ne seraient-ils pas tous à mon chevet, très présents, trop présents, étouffants, piaffant contre ce coup du sort qui me retient ici plus que de raison ?
Ce qui m’agace, c’est que j’ai l’air de me plaindre. Or, s’il y a une chose que je n’ai jamais faite dans ma vie, c’est bien celle-ci ! J’ai toujours avancé. Parfois en serrant les dents, toujours bouche cousue.
Je ne me plains pas, je radote comme une vielle folle oubliée au fond d’un asile désaffecté, qui ne comprend plus rien à un environnement rempli de bruits et de fureur. Peut-être suis-je le dernier personnage shakespearien de ce monde ?
 

Toulouse, 30 novembre — 24 décembre 2014